00:00:00 Robert Pilotte: Alors vous savez que la commission Laurent était de passage chez nous à Trois-Rivières, hier. On va revenir sur le dossier de la DPJ plus tôt cette semaine. Il y a un juge qui n'a pas été tendre à l'endroit de la DPJ a forcé qu'on rende public son jugement. Certains éléments en ce qui a trait à la mort de cette jeune fillette et de son frère à Granby . Vous le savez, la juge Ruffo est reconnue pour dire ce qu'elle a à dire. Toute sa carrière, ça a été ça à la juge Ruffo. Elle est à la retraite maintenant et elle. Mais elle persiste et signe. Elle garde son droit de parole, elle accepte de nous donner dix minutes de sa vie. Madame Ruffo Bonjour.
00:00:42Ex Juge Andrée Ruffo: Bonjour monsieur. Bonjour.
00:00:43Robert Pilotte: Comment ça va la vie? La santé?
00:00:45Ex Juge Andrée Ruffo: La vie va très bien. La santé aussi va très bien. Merci.
00:00:49Robert Pilotte: La retraite ça va bien aussi.
00:00:51Ex Juge Andrée Ruffo: C'est magnifique. Oui, quand on est là, il faut le dire, c'est magnifique.
00:00:54Robert Pilotte: Juge à la retraite, on observe quand même ce qui se passe sur la scène publique.
00:01:00Ex Juge Andrée Ruffo: C'est qu'un juge, c'est un métier. Un juge, c'est notre rôle social. Mais avant tout, un juge, c'est une personne, une personne qui vit dans une société. Alors on ne peut pas se détacher de cette société dans laquelle on vit, c'est certain, et aussi de nos valeurs et aussi de ce qu'on porte comme souci, surtout pour les enfants. Voilà.
00:01:21Robert Pilotte: Le juge plus tôt cette semaine a été très dur à l'endroit de la DPJ dans le dossier de cet enfant de Granby . Votre point de vue sur. D'abord ce qu'il a dit, ce qu'il a tenu à dire. Parce que je sais qu'à l'époque, je pense que la DPJ ne voulait pas que ça soit connu publiquement, que ce qu'il y avait dans le dossier, votre avis d'entrée de jeu, puis on ira plus loin après.
00:01:45Ex Juge Andrée Ruffo: Deux choses, deux choses. Premièrement, le juge Gervais, je le connais très bien. Il était directeur de l'aide juridique quand j'étais juge à Longueuil. C'était un homme d'une très grande intelligence, intègre, honnête et qui avait un profond respect des enfants. Alors je l'ai vu devant moi presque quotidiennement et il a toute mon admiration. Deuxièmement, je pense que la DPJ a beaucoup trop profité de cette notion de confidentialité, que personne n'a vraiment compris. La confidentialité, ce n'est pas pour protéger la DPJ, la confidentialité, c'est pour protéger les enfants. Et je pense qu'on est à l'heure où on peut se demander à qui sert vraiment cette confidentialité, en quoi c'est indigne qu'un enfant soit abusé, en quoi c'est indigne qu'on sache que la petite Louise, que le petit Pierre ont été abusés par leurs parents. Moi je pense qu'il n'y a aucune raison que cette confidentialité ait été et soit encore érigée en droit absolu et je dirais, de la DPJ. Alors, je pense qu'il faut arrêter. Arrêter de regarder le premier droit de l'enfant, c'est de vivre, c'est d'être vivant, c'est de pouvoir se développer, c'est d'être en sécurité, c'est de manger, c'est d'avoir des parents. C'est pas de vivre dans la confidentialité. Vous savez que la confidentialité a beaucoup servi à la DPJ. Alors, les parents, les familles d'accueil recevaient des enfants et ils savaient absolument pas ce qu'avait vécu ces enfants là au nom de la confidentialité. C'est horrible ce qui s'est passé alors on pouvait accueillir comme famille d'accueil une petite fille de neuf ans qui avait été incestuée depuis X années, qui vivait toutes sortes d'abus. On recevait simplement la petite Louise sans savoir qui elle était, ce qui amenait des conséquences épouvantables. Et les enfants souvent continuaient, continuaient à se faire abuser, continuaient à être rejetés.
Je me souviens personnellement d'une petite fille comme ça, qui avait huit, neuf ans, qui avait été incestuée. Et cet enfant là a besoin d'affection avec tout ce qu'elle avait vécu, avait rejeté son affection sur le père d'accueil et la mère d'accueil, ne sachant premièrement absolument rien de l'enfant, puis deuxièmement,
n'ayant aucune espèce de forme, on l'avait traitée de petite putain, on l'avait traitée de tout ce que vous voulez. Il l'avait chassée, chassée de sa maison. C'est assez épouvantable. Au nom de la confidentialité, que des enfants ont vécu, des traitements inadéquats des toutes sortes d'abus qui découlaient aussi de ça. Il faut arrêter ça, là.
00:04:23Robert Pilotte: Vous dites là, la commission Laurent fait le tour du Québec était à Trois-Rivières hier. On verra bien à la fin de l'exercice que ça va donner. Mais vous, là, n'attendez pas le dépôt du rapport final de madame Laurent. Vous dites Et puis vous vous évaluez qu'il est temps d'envisager de démanteler la direction de la protection de la jeunesse.
00:04:41Ex Juge Andrée Ruffo: Ça, pour moi, il n'y a aucune, aucune, aucune hésitation, aucune hésitation. C'est un monstre qui broie les gens. Je pense qu'il faut se souvenir qu'en cette loi là a été adoptée. C'était une loi généreuse qui avait à cœur les enfants. Sauf qu'il y a une grande erreur qui a été commise. C'est qu'on est parti de la famille qui a une présomption de compétence. Et quand quelque chose ne va pas dans la famille, on a dit l'Etat va prendre en charge. Excusez moi là. Après la famille, il y a ce qu'on appelait autrefois la paroisse, aujourd'hui la communauté. Il y a le quartier, il y a des gens, il y a la famille élargie, il y a toutes sortes de personnes qui peuvent venir au secours de cet enfant dans cette famille, pour rendre la famille plus adéquate et mieux habilitée pour aider l'enfant. Mais ce n'est pas à l'Etat d'intervenir en premier lieu. Bien sûr qu'il y a des situations dramatiques où l'Etat doit intervenir, mais pas de la façon qu'on le fait actuellement. C'est une erreur monumentale.
00:05:42Robert Pilotte: A quel endroit est ce que c'est pervers? Dans l'intervention, qu'est ce qui vient pervertir le système ?
00:05:49Ex Juge Andrée Ruffo: dès le départ Dès le départ, C'est pervers. Par exemple, on a un enfant et il y a un signalement. On a un enfant qui est négligé, on va prendre ça, qui vit dans l'extrême pauvreté, qui est négligé et qui a des problèmes scolaires, des problèmes de comportement et tout ça. Alors, ce qu'on fait, rien de mieux que de saisir le tribunal. Et à ce moment là, très souvent, on retire l'enfant et on dénigre le parent en disant c'est de votre faute, vous avez pas, on va contrôler vos vos, vos rencontres avec l'enfant. Je vous donne l'exemple de ce que j'ai vécu moi, pendant des années et des années avec le Jewish Family Center. Alors c'est la communauté juive qui a aussi ces enfants abusés, négligés, qui a aussi sa pauvreté. Alors eux, ce qu'ils faisaient, c'est qu'ils disaient Bon, écoutez, oui, il n'y avait pas. Oui, il y a des problèmes, oui, il y a de la négligence, oui, ça existe. Donnez nous donc six mois, donnez nous dans six mois, on va régler ça à l'avenir.
Quelques temps après, pour faire vérifier et qu'on acquiesce à leur plan. Alors le plan était tellement simple.
Alors on aidait le père à avoir un travail, parce que très souvent il n'y avait pas de travail. On aidait la mère à
devenir plus adéquate, On rentrait dans la maison, on l'aidait à apprendre à faire la nourriture, à nettoyer sa
maison, à parler à ses enfants plutôt que de crier. On s'occupait des enfants. Au retour de l'école, les enfants avaient quelqu'un, pas nécessairement des professionnels, une bonne madame, un bon monsieur qui venaient l'aider à faire ses devoirs. Et on avait des gens de la communauté qui venaient garder pour donner un peu de répit parfois aux parents, ne serait ce que d'aller au cinéma prendre une marche. Et au bout d'un certain temps, on revenait à la cour et on disait Bon, écoutez, voilà le plan, voilà ce qui a été fait, voilà la prise en charge de la communauté. Et gardez nous six mois encore, puis on viendra vous prouver que c'est réglé. Et c'était toujours réglé. Vous savez qu'il y a des statistiques que quand les enfants entrent dans la DPJ, ils en sortent jamais. Vous entrez à deux mois, à six mois, à huit mois. Vous n'en sortez pas, vous n'en sortez pas. Ça, pas de bon. Et moi, j'ai vu trois générations. Oui, un, deux, trois. Mais là, maintenant, ça fait longtemps que je suis parti. Ça doit être quatre générations, Ça va pas. Là.
00:08:09Robert Pilotte: Il y a un problème, puis il faut identifier le problème. On l'a identifié. Est ce que vous
pointez du doigt, entre autres, la formation des intervenants?
00:08:17Ex Juge Andrée Ruffo: C'est bien sûr. Alors, pour être délégué de la protection de la jeunesse à l'époque, moi, je ne parle pas de cette année parce que je suis à la retraite depuis un bout de temps. Il fallait rien comme formation. J'ai vu des éducateurs dans un centre pour enfants très très hypothéqués, des enfants, des garçons qui étaient où des filles qui étaient dans la drogue, dans les troubles de comportement et tout ça, qui n'avaient pas fini leur secondaire. Alors, sous promesse de finir leur secondaire et de continuer, on leur donnait le titre d'éducateur. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, aujourd'hui, les délégués de la protection pour beaucoup d'entre eux ont aucun diplôme et que si pour votre malheur, vous êtes diplômé d'université en pareille matière, on vous défend d'utiliser votre titre pour pas que vous humiliez les autres.
00:09:03Robert Pilotte: Là il y a un problème. Parce que si d'entrée de jeu je sais pas, tenez vous des statistiques parce que vous l'affirmez.
00:09:09Ex Juge Andrée Ruffo: Mais bien sûr que je tiens pas de statistiques, moi je fais pas ça là.
00:09:13Robert Pilotte: Je le sais, mais quand même. Parce que quel est le pour centage de ceux qui sont des intervenants, OK, qui n'ont pas de diplôme ou à peu près pas de diplôme? C'est du dix, quinze, 20, 30 %, 20,20
00:09:25Ex Juge Andrée Ruffo: dans Mon temps, là faut que je fasse attention. Comment? Mais dans mon
temps, c'était la grande majorité. C'est pour ça qu'on on les appelle les délégués de la protection de la jeunesse. Parce que c'est pas des travailleurs sociaux, c'est pas des psychoéducateurs, c'est pas des éducateurs, C'est quelqu'un qui a trouvé un emploi.
00:09:43Robert Pilotte: Et c'est tout.
00:09:43Robert Pilotte: On va. S'en sortir comme ça, que. Ça fonctionne. À la fin, on va s'en sortir, on va trouver la solution. Vous prônez le démantèlement, mais c'est la protection de ces enfants à tous les jours. On a des cas d'enfants qui sont maltraités. On va finir par trouver des.
00:09:59Ex Juge Andrée Ruffo: Centaines et des centaines et des. Centaines au Québec. Bien sûr qu'on parle de ces deux enfants là, mais dans les autres régions, écoutez, ça fait treize ans que je suis à la retraite et je reçois des appels toutes les semaines, des fois deux par jour, ou des gens d'Abitibi, des gens de Québec, des gens de la Gaspésie qui me disent Madame le juge, aidez nous. Je ne suis plus juge, moi, mais aidez nous, Il faut faire quelque chose. On nous a enlevé des enfants, on nous écoute pas. La travailleuse sociale vient jamais. Bon, écoutez, c'est partout dans la province, mais c'est pas récent. C'est ça qu'il faut comprendre. Il y a 40 ans, la région où j'étais, les Laurentides ont été mis sous tutelle. Bien sûr qu'il y avait eu l'ordre à mon égard de dire faites la taire. Mais vu que je ne me tais jamais que ça avait été connu, il y a eu des enquêtes et ils ont été mis sur tutelle. Sauf que dans toutes les régions du Québec, il y a eu des rapports autrefois de la protection de la Commission de la protection des droits des enfants et où ça ne fonctionnait pas. Excusez moi quand est ce qu'on va comprendre que ça n'est pas la réponse aux besoins des enfants? Un enfant, c'est une personne. Il faut que quelqu'un prenne en charge ses besoins, réponde à ses besoins pour que cet enfant là ne soit ni dans la drogue, ni dans la violence, ni autrement, Qu'il puisse grandir et devenir un bon citoyen, un citoyen heureux. C'est ça qu'il faut faire. Mais je ne sais pas de quel droit ou avec quelle force et quel pouvoir.
La DPJ s'est donné le droit de l'imputabilité, imputabilité. Et ils ne sont pas redevables, Ils sont redevables de rien. Vous êtes médecin et puis vous faites une erreur médicale. Vous allez être responsable, n'est ce pas? Si vous êtes un employé de la DPJ puis que vous faites des erreurs, c'est pas grave, c'est une erreur. C'est pas grave, On manque de ressources. C'est pas nous autres, c'est mon voisin, c'est l'autre, Ils sont pas redevables. il faut arrêter. Et ce que je sais et je peux en témoigner. Et maintenant madame Laurent l'a constaté elle même, c'est l'omerta. Les employés de la DPJ n'ont pas le droit de parler. C'est l'omerta, c'est tout.
00:12:06Ex Juge Andrée Ruffo: On verra bien. Merci de prendre la parole au nom des enfants. Madame Rufo,
00:12:11Robert Pilotte: ça m'a. Fait plaisir de vous. Parler. A bientôt.
00:12:12Robert Pilotte: Bonne journée. Bye bye, Au revoir.
L'ex juge Andrée Ruffo à la retraite qui clame haut et fort vous l'avez entendu, 'il faut démanteler la DPJ.
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